mardi 22 juin 2010

Ribéry : ses récentes "déconvenues" pourraient-elles nuire à sa carrière ?

Entre les blessures, le scandale "Zahia", son expulsion en ligue des champions le privant de finale, et l'actuelle déroute de l'équipe de France en Afrique, la saison de Franck Ribéry n'a pas été de tout repos.
Si ces déboires vont certainement avoir des impacts sur sa vie médiatique et personnelle, quelles vont être les implications sur sa carrière de footballeur professionnelle ? En d'autres termes d'un point de vue juridique que peuvent engendrer les différentes "affaires" qui le concernent ?

Premier élément de réflexion : l'affaire Zahia et les éventuelles poursuites pénales

A défaut de s’illustrer sur les terrains, le joueur de l’équipe de France de football a fait dernièrement la une des journaux essentiellement pour des raisons extrasportives. Mis en cause dans une affaire de proxénétisme, Ribéry est accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec une escort girl, alors que celle-ci n'était pas encore majeure. Le Code Pénal, en application de son article 225-12-1 dispose que "le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d'emprisonnement et 45000 euros d'amende."

Ayant reconnu les faits, Ribéry pourrait ainsi être mis en examen. Si tel était le cas, il faut envisager les implications d'une éventuelle détention sur son contrat de travail. Le Bayern de Munich pourrait-il décider de licencier le joueur au motif de sanctions pénales à son égard ?
La détention provisoire en elle-même n’est ni un cas de force majeure, ni un motif de licenciement. Cela entraîne seulement une suspension du contrat de travail, sauf à démontrer un préjudice sérieux à l’égard de l’entreprise en raison de l’absence du salarié ou de la nature des fonctions exercées.
Si le salarié est condamné à une peine de prison ferme, l'interprétation est différente et il faut envisager le cas d'une peine courte et d'une peine longue.
Dans le cas d'une peine courte, la condamnation d’un salarié pour des faits commis en dehors du travail n’entraîne que la suspension du contrat de travail, sauf si l’employeur peut démontrer que l’absence du salarié entrave le bon fonctionnement de l’entreprise. On peut donc penser que si Franck Ribéry écopait d'une peine symbolique de quelques jours d'emprisonnement, une rupture de son CDD ne serait pas envisageable.
Dans le cas d'une longue peine, si la Cour de cassation avait admis par le passé que cette incarcération constituait un cas de force majeure, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Suite à un revirement de jurisprudence, l’employeur doit désormais respecter la procédure de licenciement et verser l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle. Afin de justifier une telle rupture du contrat, l’employeur doit pouvoir l’appuyer de points objectifs et démontrer en quoi le comportement du salarié crée un trouble à l’entreprise.

Néanmoins, dans cette affaire il y a peu de chances que l'une des ces situations s'applique dans les faits. Ribéry affirme ne pas avoir été mis au courant que la prostituée était mineure, et a par ailleurs a été entendu uniquement comme témoin dans cette affaire, l'objectif pour la police étant avant tout de "débusquer" un réseau de proxénétisme. Il ne devrait donc pas être inquiété sur le plan pénal au vu de la tournure de l'affaire.

Deuxième élément de réflexion : le non respect des obligations de son contrat de travail

S'il ne devrait pas faire l'objet de poursuites pénales, Ribéry pourrait-il être inquiété sur le plan contractuel ? Son club pourrait-il se séparer de lui et renoncer à ses services, suite à cette affaire et aux autres déconvenues auxquelles il a du faire face cette saison ?

Dans ce cas, Ribéry joue en Allemagne et se voit appliquer le droit du travail allemand.

Mais s'il avait jouait en France, que se passerait-il ? quelles sont les pratiques du droit français ?

Dans le cadre de son contrat de travail, le joueur a des obligations sportives à respecter, mais également des obligations extrasportives qui peuvent souvent déborder sur le champ de sa vie personnelle et qui inclusent une obligation de bonne conduite. L'affaire Zahia touche aux bonne moeurs et il est difficile de dire si le contrat du joueur pourrait être remis en question sur cette base. L'implication de la vie privée dans l'exécution du contrat de travail est suspecte, et la jurisprudence est fluctuante sur ce point.En 1995, il avait ainsi été admis par la Chambre sociale de la Cour de Cassation qu'un fait d'origine privé pouvait devenir public, ce qui avait pour conséquence un impact sur l'image du club pouvant justifier des sanctions. Ce type de jurisprudence est caduque et aujourd'hui plusieurs arrêts laissent entendre qu'un fait de vie personnel peut être lié à l'activité professionnelle, ou encore que le salarié a une obligation particulière de loyauté et de vertu morale envers son employeur.

Dernière question : Les absences répétitives pour cause de blessure durant la première partie de la saison additionnées à l'absence d'efficacité du joueur peuvent-elles avoir des répercussions sur un contrat de travail ?

On peut en effet se demander si un club français peut rompre de manière unilatérale un contrat le liant à l'un de ses joueurs qui ne satisfait pas ses dirigeants sur le plan sportif.
Le joueur est tenu d'exécuter un certain nombre de prestations d'ordre sportif, telles que la participation aux entraînements, les rencontres officielles, mais doit-il garantir la qualité de ses prestations ? La jurisprudence (Cass.soc.7 juillet 1993)a admis que ce n'est pas le cas en affirmant que l'aléa sportif confère à ses obligations la nature d'obligations de moyens sur lesquelles le contrat ne saurait avoir de prise. La baisse des performances du joueur et ses blessures à répétition n'auraient aini pas pu interférer dans la continuité du contrat de travail de Franck Ribéry, s'il avait exercé son activité en France.

Néanmoins, si aujourd'hui son avenir au sein du club bavarois est assuré et qu'aucunes poursuites pénales ne devraient être engagées contre lui, le joueur n'en a pas fini avec les scandales de l'équipe de France et de l'affaire Zahia qui l'ont fait passé du statut de héros en 2006 au statut de joueur moqué voir parfois détesté.