lundi 22 novembre 2010

Qui a eu cette idée folle, un jour d'inventer le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) ?

Il est loin le temps où le sport était perçu comme un amusement, une activité qu’on pratique uniquement pour se défouler et rire ensemble.
La célèbre phrase, « l’important c’est de participer » énoncée par Pierre de Coubertin au cours des premiers jeux olympiques modernes peut même parfois paraître dérisoire dans notre société actuelle et pourrait en faire sourire plus d’un.

La genèse du TAS : l'influence de l'économie

C'est un fait, il serait aujourd’hui plus aisé d’associer cette activité aux termes « gloire, business et argent ».
Même si l’on ne peut faire de généralités, on ne peut donc pas le nier, le sport fait désormais partie du monde des affaires. Cette activité n‘a pas échappé à l’intervention de l’économie et des investissements des entreprises.
Quoi de plus normal à vrai dire ? Quelle activité déchaîne plus les passions que le sport ?
L’image sportive est exemplaire et attractive. Tout le monde admire les sportifs qui s’entraînent à tous les degrés et quelque soit leur niveau avec acharnement et passion pour être les meilleurs.
Alors logiquement le monde des affaires s’est petit à petit installé dans ce secteur porteur au niveau international. Et inévitablement, ce monde des affaires ou plus généralement l’intervention de flux financiers implique des contentieux.

C’est dans ces atmosphère que de plus en plus de litiges sont apparus, entre des sportifs et leur club ou leur fédération par exemple, donnant aux tribunaux ordinaires du fil à retordre mais surtout faisant apparaître des décisions parfois sans adéquation d’un pays à l’autre. Le sport étant une activité internationale et impliquant la rencontre de sportifs, intervenants de toutes les nationalités, l’idée de créer un tribunal commun à toutes les personnes impliquées dans le domaine sportif est donc logiquement apparue.

La création du TAS : opportune et nécessaire

C’est ainsi qu’au début des années 80, le président du Comité Olympique International décide qu’il faut créer une cour pour rendre la justice sportive au niveau international, en prenant exemple sur la Cour de Justice Internationale qui rend des décisions rapidemement grâce à une procédure simple, rapide et bon marché, et grâce à une représentation facile devant la cour.

Facile donc de comprendre les enjeux. Les échéances sportives peuvent être rapprochées et il impossible pour un athlète d’attendre des mois une décision judiciaire, qui le priverait de toutes les compétitions de l’année et pourrait ainsi mettre sa carrière en péril. Prenons pour exemple l’appel effectué par Franck Ribéry quelques jours avant la finale de la Champion’s League de laquelle il était suspendu, suite à un carton rouge écopé durant la demi finale de cette compétition.
Même si la sentence ne lui pas été favorable il est évident qu’attendre plusieurs semaines pour savoir s’il pouvait jouer au cours de la finale aurait été sans intérêt.

C’est dans ces circonstances et dans ce but que cette institution internationale indépendante des fédérations sportives et des États a trouvé sa raison d’exister.
La convention du Tribunal Arbitral du Sport a ainsi été ratifiée en 1983, impliquant la création du TAS l’année suivante, instance qui a pour objet de trancher les litiges juridiques ayant un lien direct ou indirect avec le sport mais également de trouver des solutions et compromis aussi souvent que possible.

Dans une volonté d’indépendance mais malgré tout pour rester en lien direct avec les instances sportives du monde entier, les arbitres du Tribunal ont été désignés par le Comité international olympique (CIO) et son Président, les fédérations internationales, et enfin les Comités Nationaux Olympiques (en France le CNOSF).

Mais il semble que cette méthode de désignation n’a pas fait que des heureux, et malgré la volonté de la nouvelle instance internationale du sport d’intégrer l’ensemble des instances sportives à son projet, son indépendance a rapidement été mise en question .

Les premiers déboires du TAS : démontrer son indépendance

Alors le TAS est-il une instance indépendante ou existe-t-il en son sein et dans son fonctionnement des conflits d’intérêt ?
La question a été posée dans l’une des premieres affaires portées devant le tribunal dans laquelle un cavalier allemand condamné pour le dopage de son cheval avait vu sa peine réduite devant le TAS. La Fédération Equestre internationale s'était alors posée la question de l’indépendance de l’instance, notamment en considérant que l’arbitrage a été irrégulier au vu de sa composition.

Afin de se prémunir de ces questions d’indépendance, le TAS décide de se réformer en 1994 dans son organisation et met en place une procédure contentieuse ordinaire et d’appel.

Mais malgré ces efforts pour prouver son impartialité et sa volonté de se mettre uniquement au service du sport, à peine 10 ans plus tard, la question de son indépendance réapparaît dans une affaire mettant en cause des skieuses suspendues pour dopage au cours des Jeux Olympiques d’hiver.
L’avocat des fondeuses estimait ici que la partie adverse étant le Comité International Olympique, le TAS n'était pas indépendant car financé en partie par ce même CIO.

Mais ces allégations vont avoir l'effet inverse que celui recherché par l'avocat des skieuses. Le Tribunal Arbitral du Sport va en effet profiter de cette occasion pour réaffirmer son indépendance et assoir définitivement son autorité.
Désormais, le TAS est l’instance phare du sport et devient le patron de la justice sportive.
De nombreux sportifs, clubs et divers organismes sportifs ont recours à lui dans le cadre de litiges ou d’avis consultatifs.
Pour preuve de sa puissance grandissante, on peut observer que si le budget du Tribunal était de 800000 euros en 1985, il a été multiplié par 7.

La justice du sport semble donc assurée et sur la bonne voie pour de nombreuses années.