mercredi 8 septembre 2010

Les sélections nationales confrontées à la puissance de la NBA

Pour tout amateur de sport, un championnat du monde constitue le summum du haut niveau, le rêve ultime pour des athlètes qui se sont entraînés pendant des années dans le but d'être les meilleurs. On peut d’ailleurs difficilement imaginer une Coupe du Monde de football sans Messi, Ronaldo, ou une équipe de France sans Zidane si l’on remonte au début des années 2000.
Mais alors que les amateurs du ballon rond ont pu profiter en juin des performances de leurs idoles en Afrique du Sud, il est impossible d’ignorer un paradoxe qui peut paraître étonnant. Le championnat du monde de basket qui s’achèvera dans quelques jours en Turquie aura été orphelin d’un nombre important de stars de la NBA, qui ont décidé de sacrifier l’événement pour mieux préparer leur prochaine saison en club.
Pour exemple, on a pu relever que des douze champions olympiques de Pékin n’était présent dans l’équipe américaine, tout comme personne n’a pu passer à côté de l’absence des deux stars françaises Tony Parker et Joachim Noah.

Et c’est une pratique courante dans le monde du basket, qui nous amène à nous poser des questions. Les sportifs font-ils comme bon leur semble ? Une sélection en équipe de France n’est elle pas un honneur qu’on ne peut refuser ? Les fédérations nationales n’ont-elles pas le pouvoir de les contraindre à jouer en sélection ?
Tentons de comprendre le fonctionnement des fédérations, qui font face dans le monde du basket à une confrontation des règles tant au niveau national qu’international.

I- Le contrat de travail face aux contraintes du droit du sport

Les sportifs professionnels exercent leur activité sur la base d’un contrat de travail, qui doit poser les bases des obligations et droits de chacun, afin de tout mettre en œuvre pour obtenir les résultats escomptés par les deux parties. Néanmoins, si en principe si le contrat est libre, dans les faits, il se heurte notamment à des lois, des pratiques et des nécessités.
Dans ce cadre, face aux nécessités du sport et de l’équipe de France, une exception législative a été posée : la mise à disposition du sportif par son club à l’équipe nationale.
Il faut en effet savoir qu’en droit du travail, la mise à disposition à but lucratif est strictement prohibée, mais grâce à l’intervention du législateur, elle est désormais envisageable dans le cadre sportif, et prévue par l’article L222-3 du Code du Sport. Dans ce sens, le salarié d’une association ou d’une société sportive, peut être mis à disposition de la fédération sportive délégataire en qualité de membre de l’équipe de France, dans des conditions définies par une convention.
Le sportif conserve dans ce cadre la qualité de salarié du club ainsi que les droits qui y sont attachés tout en pouvant être mis à la disposition de l’équipe nationale. Néanmoins, si la mise à disposition est prévue par la loi, est-ce pour autant une obligation pour les salariés de répondre positivement aux convocations de sa fédération, ou une simple possibilité qu’il est possible de décliner ?

II- Le principe fédéral : l’obligation pour le sportif de se mettre à la disposition de sa fédération

D’un point de vue éthique, la sélection en équipe nationale pour un sportif est un honneur. Représenter son pays et porter ses couleurs ne se refuse pas, et ce principe a été officialisé dans les règlements fédéraux, de manière à poser des bases écrites et claires.
Ces derniers prévoient donc l’obligation pour tout sportif sélectionné en équipe nationale de se mettre à la disposition de la fédération, que ce soit pour un stage, un match de préparation ou de sélection et pour toute compétition internationale, quelque soit le sport en cause.

A titre d’illustration, le règlement de la Fédération Française de Football dispose qu’en cas de non respect de cette obligation « le joueur est susceptible d’être suspendu pour une ou plusieurs rencontres officielles de son club ».
On peut noter que cette disposition implique que le respect dans la mise à disposition des joueurs s’adresse également au club employeur, puisque si ce dernier refusait de libérer son joueur, la sanction prévue lui serait également préjudiciable.

Bien entendu, la fédération n’a pas un ascendant absolu sur les clubs. En effet, une convention est conclue entre la Ligue professionnelle du sport en question et la fédération associée afin d’harmoniser en fonction des objectifs annuels le nombre de rencontres en équipe de France, la durée de mise à disposition notamment.

NB : Rappelons que la fédération a compétence dans le cadre du sport amateur et de l’équipe de France, alors que les ligues professionnelles interviennent comme leurs noms l’indique dans le sport professionnel.

III- Le cas particulier du basket : les fédérations confrontées à la puissance de la NBA

Comme nous le précisions en préambule, les stars du basket ont déserté les championnats du monde de basket, de manière très importante, à tel point que certains qualifient cet événement d’amateur. Terme juridiquement erroné quand on sait qu’au même titre que dans le monde du football les basketteurs présents dans les équipes nationales sont quasiment si ce n’est tous des joueurs professionnels en club, au même titre que les joueurs de NBA, principaux absents pendant ce championnat.

Comment peut-on ne pas être touchés par le refus de Noah et Parker en équipe de France, d’autant lorsque l’on connaît maintenant le contenu et la portée des règlements fédéraux et du Code du Sport aujourd’hui ? Comment se fait-il que leur absence soit acceptée par la fédération de plus en plus facilement, alors qu’ils sont des éléments clefs du jeu ?

En fait, on peut comprendre ces absences avant tout à partir d’un schéma juridique simple. Traditionnellement la hiérarchie des structures sportives fonctionne de manière pyramidale. On trouve en bas de la pyramide les clubs sportifs, au niveau supérieur, les comités départementaux, au dessus des desquels on rencontre les ligues régionales, suivies des fédérations et ligues nationales et tout en haut de l’échelle les fédérations internationales. Ces dernières édictent des règles qui prennent par conséquent le dessus sur les structures de niveau inférieur, et les fédérations et ligues nationales fonctionnent de cette façon de manière harmonieuse grâce à certaines normes communes.
Cependant, le fonctionnement du basket international présente une spécificité de taille : l’existence de la NBA.

La NBA a le statut de ligue, mais contrairement aux autres sports, elle ne se place pas au même niveau que les autres ligues nationales.
La mainmise de la grande ligue américaine s’exprime à plusieurs niveaux, à commencer par l’organisation du calendrier, coupé en deux, avec les championnats et la NBA d’octobre à juin et seulement l’été réservé aux sélections, mais également au niveau financier. Les joueurs signent en NBA pour des salaires et des contrats de sponsoring bien supérieurs que dans les autres ligues (Pro A en France par exemple) et sa toute puissance ne laisse à ces dernières et à la Fédération Internationale de Basket (FIBA) que peu de moyens pour prendre le dessus.

Même si dans les textes rien ne leur permet de les retenir Une pression des clubs s’opère donc dans ce monde à part sur les joueurs internationaux, qui préfèrent se rendre à l’évidence des enjeux financiers et sacrifier l’honneur d’être en équipe nationale.

Vincent Collet, sélectionneur de l’équipe de France résumait la situation il y a quelques temps par ces deux phrases : « La NBA est une entité privée qui fait selon ses règles. Face à cela, la Fiba ne peut malheureusement pas faire grand chose.”

5 commentaires:

  1. Article très intéressant et bien dans l'air du temps. Le mondial de basket qui se joue en ce moment même en Turquie est en effet amputé de la majorité de ses stars. Le problème de leur non présence ne tient pas essentiellement à la puissance et l'hégémonie de la NBA sur le basket mondial.
    Dans un premier temps, de nombreuses fédération nationales n'ont pas les moyens d'assumer les primes d'assurances de leur stars NBA. La Fédération Française de Basketball a été confrontée à ce souci lorsqu'elle a aligné Tony Parker et Boris Diaw ainsi que ces autres joueurs NBA sur le même compétition. Le montant des contrats de ses joueurs étant très élevés, les primes d'assurance le sont tout autant et un fédération, même en France, ne peut pas toujours se permettre de ^prendre en charge ce poste de dépenses.
    Second point, tout aussi important. Contrairement au football où une sélection en équipe nationale et une bonne performance sous le maillots bleus permet de faire monter la cote et la valeur d'un joueur, dans le monde du basket, ce levier ne fonctionne pas. C'est plus la NBA qui permet aux joueurs de gagner en valeur, peut-être même l'Euroleague. Les fédérations ont d'autant moins d'arguments pour convaincre leurs stars de les accompagner. Un Tony Parker par exemple bonifie plus l'image de la FFBB et de l'Equipe de France que l'Equipe de France ne bonifie sa propre image. Son pouvoir médiatique est sans aucune mesure comparable à celui de sa fédération ou de son équipe nationale. Les dés sont donc pipés.
    Enfin, il y a un troisième point à ne pas omettre. Si en football, la compétition reine est la Coupe du Monde, en basket, ce sont les Jeux Olympiques qui cristallisent les désires.
    Par contre les informations que vous présenter son très intéressantes. Je vous en remercie d'ailleurs.

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  2. Article intéressant, merci.

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  3. Bonjour,
    En tant que Juriste cet article correspond parfaitement à l'idée que je souhaite développer
    Merci

    Bertrand

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  4. Le rideau est tombé sur le 16ème championnat du monde de basketball et on voit bien que le grand vainqueur a pour nom …NBA … enfin USA et ses seconds couteaux qui étaient heureux comme des gamins de remporter cette médaille d’or. Pourtant… la sinistrose ambiante présente avant le Mondial outre-Atlantique en raison des forfaits des grandes stars de la NBA (Bryant, James, Wade, Bosh…) ne présageait pas cette issue…Leur motivation fut donc toute trouvée.
    L’absence dans les équipes nationales européennes des joueurs NBA (Gasol, Kirilenko, Nowitzki, Parker, Noah...) a dévalorisé l’intérêt de cette compétition. D’accord Türkoğlu était bien là… mais pouvait-il en être autrement pour l’organisateur de la quinzaine ? Merci Madame NBA de l’avoir autorisé à s’exprimer sur ses terres…
    La NBA maîtrise donc bien le basket mondial sous tous ses aspects… elle dispose des joueurs financièrement… Noah l’a précisé au grand dam du staff de l’équipe de France : « Actuellement, on négocie un nouveau contrat qui me permettra d’être à l’abri financièrement pendant un bon bout de temps. Je ne peux pas tout foutre en l’air. Clairement, ma priorité, aujourd’hui, ce sont les Bulls. ».
    2011 sera l’année du championnat d’Europe en Lituanie… Madame la toute puissance sera-t-elle conciliante? Oui sans doute !! Un championnat continental est bizarrement plus coté, plus médiatisé qu’un mondial dans le monde basket... Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre !? Alors, on croise les doigts pour revoir les joueurs adulés par les jeunes pousses du basket…
    Je découvre ce site pour la 1ère fois et j’avoue y trouver un grand intérêt. Merci pour vos éclaircissements.

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  5. N'hésitez pas à venir en débattre sur notre forum : http://www.sportstrategies.com

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